1.6.07

Chapitre IX

intelligent design ?

Au coeur des champs de superconscience


IX

A lombre des cyborgs en fleurs



Quel déluge ! Les jeunes cyclistes qui passaient tout à l’heure l’avaient annoncé. L’un d’eux avait crié à ses camarades : « il faut speeder, la pluie arrive ! »

J’ai laissé ouverte la baie coulissante de la véranda pour profiter du spectacle.

Assis à la table d’écriture sur le banc de bois verni, je contemple la nature éclaboussée.

Les grosses gouttes crépitent sur la carrosserie brillante de la berline parquée au fond du jardin.

Et l’eau commence à rejaillir aussi dans la véranda. Je dois refermer le vitrage.

La nature semble étonnamment sereine, comme si la pluie qui venait était pour elle paisible caresse.

Entouré des ronronnements de l’averse qui font vibrer l’habitat, j’ai l’impression d’être un scaphandrier.

Alors que les flots tombaient droits comme des i, ils se penchent désormais. La poussée de l’Ouest et de son océan, les invite vers ce tranquille coin de l’île.

Déjà dix centimètres d’eau restent à la surface herbagée du clos. Le sol sableux devrait l’absorber bientôt.

Même mon stylo est paralysé par le chant des sirènes qui l’a bien envoûté. La symphonie des flots éoliens berce les sens, apaise et délie.

L’accalmie vient à point nommé éviter que le jardin ne déborde vers la véranda et n’en inonde le sol carrelé.

Les petits ruisseaux canalisés dans les chéneaux de polypropylène qui courent le long du toit glougloutent déjà, remplaçant désormais le claquement des gouttes sur les vitres.

Le ciel se fait laiteux, opale, puis délicat camaïeu de brumes claires.

Les pins frais qui montent à l’horizon s’y détachent soudain.

Puis tout s’arrête. Les ruissellements cessent, même si leur chanson se poursuit vers les caniveaux.

Désormais ce sont les voitures sur la route lointaine qui s’accompagnent du chuintement des traînées.

Le tic tac de l’horloge surnage enfin, signalant le retour du (beau) temps.

Je reviens avec lui au sujet de ce livre.

Je l’ai évoqué précédemment, plusieurs hypothèses coexistent quant à la question :

« Pourquoi des mondes invisibles déposeraient-ils en nous des activités subtiles ? »

Bien sûr l’hypothèse d’une sorte d’exploitation à grande échelle de nos ressources intérieures est intéressante.

Nous pourrions en effet, pour certains de ces mondes, être nourriture, gisement ou énergie.

Les activités déposées en nous par ces univers intérieurs serviraient à prélever nos énergies vitales, comme du lait trait chaque jour des vaches sans leur demander leur avis.

La vitalité adolescente et la propension démographique de l’humanité seraient ainsi utilisées pour disposer depuis d’autres plans, à nous imperceptibles, d’un vaste élevage industriel aux dimensions de la Terre.

L’uniformité et le conditionnement global d’une civilisation terrassant les différences permettraient à nos éleveurs de pratiquer un mode simple et intensif de stabulation libre, nous réduisant à des cheptels captifs et indifférenciés, un gisement exploité sans nuance parce que devenu homogène en ayant perdu ses distinctions, ses anciennes frontières et ses clivages.

Les virus et les maladies pandémiques pourraient même être vues comme un autre mode de prédation particulièrement rapide. Non contents de se satisfaire de prélèvement quotidien, d’autres maîtres invisibles sacrifieraient une partie du troupeau pour un rendement plus élevé et un résultat expéditif.

Les vaches peuvent être élevées pour leur lait, pour leur progéniture ou pour leur chair comestible.

Ainsi, selon l’appétit de nos éleveurs industriels, serions-nous « consommés » de diverses manières plus ou moins radicales, dramatiques et spectaculaires.

C’est l’hypothèse pessimiste.

Car au fond de moi, je penche plutôt pour une autre hypothèse, plus optimiste et satisfaisante.

Il me semble que la notion de travail peut éclairer la motivation de ces champs de superconscience qui nous entourent peut-être de leur accompagnement et nous habiteraient ainsi de leurs émanations.

Sur Terre le travail est au cœur de la vie. Il permet d’entourer et d’accompagner les autres, de tisser un lien utile avec eux et d’avoir notre place parmi eux.

Je ne serais pas surpris qu’il en soit de même pour les autres civilisations de l’esprit qui coexisteraient avec la nôtre, la féconderaient, l’impulseraient et l’orienteraient.

Ce serait tout simplement leur travail. Nous mettre au monde, nous enrichir de nouvelles potentialités, amener notre développement individuel et collectif, cultiver nos différences et nos talents, telles seraient quelques-unes des tâches de nos bienveillants guides.

Ces bienfaiteurs imperceptibles issus de champs dénués de matière organique au sens où nous entendons ce terme, mais dotés de consciences, individualisées et collectives, travailleraient eux aussi. Et nous en serions les bénéficiaires, comme les bébés dans une famille reçoivent gratuitement les soins et le don de soi d’une mère et d’un père.

En mettant en œuvre leur connaissance intime des mécanismes biologiques et psychosomatiques des activités agissant jusque dans notre corps, ces consciences auraient des mains et des doigts pour nous modeler, comme un sculpteur avec l’argile.

Nous sommes peut-être issus de diverses vagues de création, d’évolution et d’amélioration. Certaines des mutations sociales sont peut-être le reflet direct d’initiatives venues de ces mondes.

Je pense à l’Internet, au GPS mais aussi à la pharmaceutique moderne. Je pense aussi à l’art de la musique, du cinéma, voire la simple acquisition du langage et de l’écriture. On pourrait multiplier ainsi les suppositions : mathématique ou chimie moléculaire… Toutes ces percées remarquables ont-elles été inspirées par d’autres civilisations de l’invisible ?

Même notre corps change, les jeunes générations d’aujourd’hui ne ressemblent pas à celles de leurs parents, comme si nous étions travaillés et transformés aussi de l’intérieur, tout autant que par notre nutrition et par les autres conditions environnementales ou éducatives.

Au final l’homme serait un hybride complexe issu des cyberactivités d’autres univers inconcevables. Au sens propre l’humain serait « organisme cybernétique », expression qu’on abrège généralement avec le vocable cyborg.

L’homme bionique ne serait pas exclusivement une création de cinéma ni une lointaine perspective de nos sciences appliquées. Nous serions déjà, et depuis bien longtemps les cyborgs patiemment évolués d’autres champs d’intervention subtile.