intelligent design ?
Au coeur des champs de superconscience
XII
Réalité augmentée
(Augmented Reality – A.R.)
La nuit a vu grêle et pluie mêlées venir en bourrasques. Les paquets d’eau tombaient sur le toit.
Le cliquetis des grêlons, les rafales du vent, le crépitement des grosses gouttes sur la terrasse et les clapotis de l’eau qui s’y accumulait on précipité mon sommeil.
Cette musique berçait les songes de la maison, miraculeusement sèche et tranquille à l’intérieur, tandis que dehors faisait rage l’averse.
Les heures du matin ont restauré le soleil sans parvenir à réchauffer les jardins rafraîchis par tant d’onde.
Le linge suspendu au fil dehors aspire à sécher, en s’inclinant au gré des brises océanes encore intimidées par le surgissement des éléments qui la précédèrent.
Un oiseau vient se poser au chéneau de la terrasse…
L’eau du thé chauffe sur le gaz, tandis que je m’apprête à faire infuser le thé Zéjiang qui me donnera du cœur à l’ouvrage.
Je me suis intéressé aux phénomènes des visions dites miraculeuses après avoir moi-même rencontré toutes sortes de perceptions visuelles et sonores au cours d’une retraite solitaire en ermitage.
J’en suis venu à ces simples suppositions que voici.
La révolution industrielle a deux siècles à peine. Et déjà nous disposons de l’imagerie virtuelle de la réalité augmentée (Augmented Reality ou A.R.).
A l’aide de capteurs de mouvements, d’accéléromètres intégrés aux vêtements, de détecteurs de gravité, de compas, d’une bonne dose de robotique, de caméras vidéo haute définition, de manettes à gyroscope et de lunettes à cristaux liquides 3D, un logiciel de réalité augmentée est capable de faire émerger un monde sans existence physique.
Il peut nous y insérer en temps réel, voire inscrire notre propre expérience sensorielle dans cet univers et de nous permettre d’interagir avec lui.
La réalité augmentée permet de mêler, en temps réel et de manière convaincante, des éléments réels et virtuels en les inscrivant selon un même flux vidéo.
Elle peut guider le chirurgien et son scalpel.
Elle peut permettre au touriste de s’orienter en recevant des conseils de visite et des explications à travers son téléphone portable via une puce GPS.
Elle peut permettre au joueur d’interagir avec un monde qu’il aura choisi d’enrichir. A travers ses lunettes 3D il peut faire coexister des éléphants bleus qui volent, avec l’animation habituelle des rues de sa cité…
Le téléspectateur peut assister à un duo improbable grâce à la réalité augmentée. Un chanteur d'aujourd'hui interprète un succès du passé en duo avec une vedette disparue, grâce à des images d'archives habilement retravaillées, incrustées dans des images captées en direct et qui s'inscrivent dans le même flux vidéo.
L’humanité encore malhabile a été capable de telles prouesses dans le bref laps de temps du développement industriel.
Alors pourquoi les plans tuilés de conscience qui coexisteraient en filigrane de notre univers physique depuis des temps immenses seraient-ils, eux, incapables de ces prouesses qui ne nous ont pris que quelques décennies de recherche et développement ?
Pourquoi serions-nous les seuls à avoir réussi cela, et en si peu de temps ?
La question se pose.
Bien entendu je n’imagine pas des mondes parallèles au nôtre avoir basé comme le nôtre leur capacité innovative sur la physique du carbone ou l’électronique du silicium…
Sans doute la manière de graver les images dans une mémoire, de les transmettre, de les intensifier ou de les transformer dépend-elle dans ces plans d’autres technologies, d’autres supports, peut-être d’énergies qui sont pour nous imperceptibles ?
Mais revenons aux visions supposées miraculeuses. Prenons par exemple les visions de la Sainte Vierge attestées tant à Lourdes, à Fatima, à Medjugorje ou dans d’autres lieux.
Il est tout à fait plausible d’envisager, ou plutôt d’imaginer que ces expériences extraordinaires il y a quelques décennies, à fortiori il y a un siècle, surprendraient moins aujourd’hui, et encore moins demain.
A l’heure de la vidéo et de la télévision haute définition, des effets spéciaux et du son multicanal, les enfants d’aujourd’hui, adeptes des jeux sur console seraient sans doute moins impressionnés. Et à l’aune de ce progrès, on peut proposer l’hypothèse suivante.
Ces visions de la Vierge Marie seraient bien réelles. Elles sont d’ailleurs précisément documentées. Mais elles ne seraient pas forcément la chose en soi, juste des images de réalité augmentée, représentant la divinité.
Depuis les champs de superconscience évoqués dans les chapitres précédents, on aurait fort bien pu transférer et implanter ces expériences sensorielles à une jeune Lourdaise comme à de jeunes bergers portugais et herzégovins !
Le réalisme, la vivacité, la définition des teintes et des émotions étaient excellents sans doute.
Si l’on admet ce postulat, il n’y aurait pas la moindre once de Vierge Marie dans ces expériences médiumniques. Juste de très belles images en mouvement inscrites jusqu’au niveau de la perception sensorielle partagée de quelques témoins saisis d’un légitime émoi à ce spectacle de réalité augmentée.
Nous suggérons ici que le sacré n’est pas nié, simplement nous le déplaçons un peu.
Non, la Vierge Marie, toute vêtue de soie bleue piquetée d’étoiles d’or, au doux sourire et au teint de lait n’existe peut-être pas telle quelle, en tant qu’être anthropomorphique.
En revanche, si on admet la possibilité depuis d’autres plans de créer ses images, et de susciter l’expérience indiscutable chez des témoins innocents, il y a bien un autre sacré en jeu.
C’est aussi celui des guides imperceptibles, des signes qu’ils dispensent, qu’ils distillent, et des moyens encore incompréhensibles dont ils disposeraient pour le faire.
Cela remet en cause l’exclusive religieuse, sans nier l’émergence du sacré au cœur de notre perception.
Et surtout cela supposerait l’Intelligent Design, bref la présence d’information et donc d’esprit ou d’intelligence, nous disons ici de superconscience, pour l’élaborer et la transmettre.
Enfin cela supposerait enfin l’existence de moyens, de canaux, de « technologies » d’une sorte qui nous est inconnue, bref d’activités permettant à ces informations de parvenir aisément et clairement à leurs destinataires.
Ce sacré, s’il est issu d’autres plans que le nôtre, se manifeste sans doute aussi avec d’autres images que la Vierge Marie.
Voici à cet égard mon grain de sel. Certains, moins indulgents, diront : mon grain de folie.
Pendant une retraite contemplative de plus de deux années en ermitage, j’ai ainsi été exposé à la vision, certains diraient à une hallucination, d’un célèbre lama tibétain : Dilgo Khyentsé Rinpoché. Il flottait dans ma chambre vêtu d’un simple jupon de coton. Il est apparu à mes yeux ébahis, m’a regardé.
Puis, par quelque phénomène qui m’échappe encore, je me suis retrouvé blotti dans ses bras, comme transformé en un bébé de quelques mois, tournant doucement avec lui, qui tournait sur lui-même, assis en tailleur, flottant à quelques quatre-vingts centimètres du sol, effectuant un tour complet et panoramique de ma chambre en trois dimensions.
Lorsqu’il eut posé ses yeux dans les miens, en abaissant son regard vers moi, ils se sont multipliés à l’infini.
La scène s’est dissoute et je me suis retrouvé, éveillé, allongé dans mon lit.
Je me souviens du contact frais et encore humide de sa peau, le lama sortait du bain. Car il y avait non seulement la vision, le mouvement, la perspective, mais aussi l’affect et le toucher dans cette émergence.
Il y avait donc la continuité sensorielle et cognitive dans une expérience, qui, au demeurant, était vide de réalité.
En effet, le lama Dilgo Khyentsé était mort depuis quelques temps, et je n’ai été de toute évidence exposé qu’à ses images virtuelles en réalité augmentée.
Je n’ai, en y réfléchissant plus tard, jamais cru avoir rencontré le « vrai » Dilgo Khyentsé rinpoché au cours de cette expérience.
D’ailleurs je n’avais jamais été son disciple, ne l’avais jamais approché, ni même vu de loin, sinon connu par ses livres et par les belles photos en couleurs qu’en fit Matthieu Ricard.
C’était un beau spectacle, profond, porteur sans doute pour moi de significations. Mais je suppose qu’il n’y avait pas une once de Khyentsé rinpoché dans le personnage translucide, vivant, hiératique, chaleureux, aimant et coloré, surgissant en 3D dans ma chambre, flottant doucement au dessus du sol, puis m’entraînant, me faisant redevenir un petit bébé dans ses bras quelques instants pour une giration à 360 degrés, avant de se dissoudre aussi soudainement qu’il était apparu…
Mes amis bouddhistes pourraient me demander « si j’avais fumé quelque chose », « …pris des médicaments », je leur répondrais que non, que je n’ai pas besoin de cela.
Alors ils me diraient sans doute que j’ai rencontré un bref aperçu du Svabhavikakaya, le corps d’arc-en-ciel, ou de l’un des trois corps qui le constituent : le dharmakaya, corps d’ainsité, le nirmanakaya, le corps formel d’émanation, à moins que ce ne soit un tour que m’aurait joué le rayonnement du sambogakaya, le corps de luminosité !
A la bonne heure !
Je ne crie pas pour autant au miracle…
Je ne cours pas dans les temples bouddhistes, portant une bannière du Tibet en guise d’oriflamme, en criant, les yeux levés au ciel et baignés de larmes, un genou au sol et les mains jointes : « Emaho, O merveille, les amis, j’ai rencontré bouddha, il m’est apparu ! »
D’ailleurs dans cette apparition, même surnaturelle, il n’y avait aucun message, si ce n’est celui-ci, celui de sa vacuité.
Je pense qu’aujourd’hui une entreprise start up d’imagerie virtuelle 3D pourrait fabriquer une telle expérience d’ augmented reality, pas tout à fait la même bien sûr, mais assez proche, peut-être presque convaincante à sa manière. Il y aurait les logiciels, les ordinateurs, les lunettes 3D, les caméras vidéo haute définition, et tout un harnachement de capteurs sensoriels, dont vous devriez être affublé pour partager la même expérience que la mienne. Sans oublier trois ou quatre geeks, ces férus des nouvelles technologies. Ils pianoteraient devant des écrans larges, pour que l’illusion opère et que le « miracle » ait lieu. Il s’agirait ici d’inscrire en temps réel des représentations en imagerie de synthèse d’un vieux tibétain aujourd’hui défunt dans les flux vidéo captés dans votre chambre par des caméras. L’ensemble dit de réalité augmentée serait restitué à travers vos lunettes LCD haute définition à effet 3D.
Là, il n’y avait rien, pas de start up, ni de geeks, en apparence. Et sans doute pas de Dilgo Khyentse non plus… Alors ?
Un psychiatre dirait sans doute qu’on a affaire là à un cas classique de dépersonnalisation, voire –encore moins glorieux- d’hystérie. Mais cela ne répond pas mieux à nos questions. Comment cette expérience est-elle possible ? Que suppose-t-elle, en filigrane, que nous ignorons encore ?
Un simple désordre hormonal, un afflux inopiné de neuromédiateurs dans ma petite tête n’aurait pas pu donner le sens, ni inscrire son scénario bien construit dans cette brève apparition. Cela se serait limité tout au plus à quelques hallucinations vagues et désordonnées.
Je n’ai pas pour autant conçu de dévotion particulière pour le vieux lama Khyentse Rinpoché aujourd’hui défunt.
En revanche je me suis dit : cette expérience infime, mais unique dans ma vie, n’est probablement pas due à quelque perturbation naturelle de mon corps ou de mon esprit. Sa probabilité d’auto-organisation ou d’auto-émergence en est en effet très faible.
La qualité de construction, de précision, de vivacité, de transparence, de stabilité et de dramaturgie de cette scène me suggérait qu’il y avait bien quelque « artiste » au travail, pour me la rendre perceptible, et sans doute aussi la « palette », les moyens adaptés à cela.
Cela ne pouvait pas être de mon fait, ni même issu de mon inconscient personnel. Il y avait ainsi l’empreinte d’une sorte d’intelligent design, qui dépassait mes propres facultés cognitives.
J’ai envisagé progressivement l’hypothèse développée dans ce petit livre : le plus probable était que de « l’intelligence », de « la volonté » et de « la technologie » accédant à mes propres capacités perceptuelles étaient à l’oeuvre. Même si cela peut paraître un peu curieux quand on l’écrit tel quel sur un cahier comme je le fais aujourd’hui.
Et si elles étaient à l’œuvre, c’est qu’elles existent…
Et si elles existent, depuis leurs propres champs, alors ces consciences nous accompagnent. Non seulement elles, mais aussi leur savoir faire, les moyens, encore inconcevables pour nous, qu’elles ont de faire émerger en nous des expériences.
Les années de retraite contemplative m’ont donné de nombreuses occasions de confronter cette hypothèse, de l’affiner.
Un soir, par exemple, de sublimes musiques m’ont accompagné tandis que je cherchais le sommeil. Leur relief était saisissant, les qualités de leurs arrangements, de leur voix, tout simplement magnifiques. J’écoutais ainsi plusieurs morceaux comportant chant et orchestration.
Au secours, Jeanne d’Arc, reviens !
Un autre soir la musique vint dans l’oreille droite, tandis qu’une voix masculine parlant dans une langue inconnue récitait simultanément et distinctement des mantras dans mon oreille gauche. Je pus tout à loisir écouter cette étonnante mise en scène que j’aurais bien été incapable d’imaginer, et encore moins de produire.
Paisible et attentif, étonné et ravi, à peine effrayé, ma curiosité naturelle délicieusement émoustillée, j’écoutais pendant de longs moments cette merveille de stéréophonie virtuelle.
J’en suis venu à confronter cette hypothèse d’une sorte de « biotechnologie » capable de se saisir de nos propres énergies subtiles, par des moyens imperceptibles que j’ai appelés, faute de mieux, des cyberactivités subtiles. Car, en effet, elles disposaient d’information, d’autocontrôle et de rétroaction.
Il m’a bien fallu admettre que de l’autre côté de ces phénomènes, si précis et clairs, il y avait quelque conscience évoluée, sans doute dotée, comme nous, d’une panoplie de moyens adaptés, pour me communiquer ainsi ces indices indirects de son existence.
Je n’ai donc que ces déductions à partir de ma propre expérience sensorielle pour fonder cette hypothèse.
Je sais, c’est peu.
D’autant qu’il y a dans les hôpitaux psychiatriques beaucoup de personnes qui pourraient écrire la même chose ou presque. On les considère comme schizophrènes, ou si elles insistent pour faire valoir leurs imaginaires, comme paranoïaques.
Dans mon cas ces effets n’étaient pas accompagnés de souffrance, ni de désordres. Et surtout aucune de ces expériences ne s’est jamais reproduite. Elles ont toutes été uniques, distinctes et, je le regrette parfois, fugaces…
Je sais que je n’étais pas capable tout seul de m’auto-hypnotiser ou de me suggérer ces petits spectacles à la fois complexes, clairs et aboutis.
Alors oui, l’émergence du sacré existe bien. Mais ce qui vient à nous ce n’est peut-être que des effets spéciaux, qui ne traduisent ni ne reflètent nécessairement la nature exacte de leurs « auteurs ».
Un jeune enfant qui regarde, ébloui et les yeux écarquillés, un dessin animé n’imagine pas que Blanche Neige est le produit d’une imagerie industrielle fabriquée par des techniciens myopes et portant des lunettes, dans de grands studios à Hollywood. Et pourtant…
Les jeunes bergers qui ont vu Marie de leurs propres yeux et l’ont écoutée leur parler ne sont sans doute pas si différents de ces enfants.
Mais quelque soit leur naïveté et leur candeur, ce qu’ils ont vu atteste de la possibilité d’une telle expérience subjective, et suggère donc la présence des dimensions supplémentaires au monde qu’on appelle communément le sacré.
Simplement dit ce sacré n’est peut être que la production, l’indice sinon le reflet d’une civilisation de la conscience très évoluée, dotée comme la nôtre l’est aussi, d’une sorte de cybertechnologie capable de mémoriser, transformer, suggérer les images d’une réalité augmentée.
Si cette hypothèse était vérifiée pour d’autres, disons pour de très nombreux autres, ce serait bientôt la fin des religions historiques !
Leur imaginaire est toujours présenté par elles-mêmes comme la chose en soi, la réalité, l’alpha et l’omega.
En réalité, il se peut que leurs images ne soient que les simples contes produits par un autre monde contigu au nôtre…
Mais les adorateurs des dieux et les fidèles des religions avaient leur bonne raison de chérir leurs images. En les vénérant, ils maintenaient peut-être le contact vivant avec les champs de superconscience qui les guidaient, les inspiraient ainsi, et les aimaient sans doute vraiment.
La seule rupture que notre modeste hypothèse apporte ici est que ces réalités imperceptibles auraient choisi des icônes pour les représenter, sans pour autant coïncider ou se réduire à ces simples images d’épinal.
Si d’autres admettaient cela, ce qui n’est pas certain, on irait vers une forme de religiosité plus universelle, où seraient estompées les différences, et la valeur sans doute excessive attribuée à des cultes particuliers par leurs dévots.
Je me prends ici à rêver tout haut. On irait sans doute vers moins de fondamentalisme et de fièvre zélote : si nos ancêtres n’ont adoré que les images 3D virtuelles produites par un autre monde intérieur au nôtre, cela n’a aucun sens de se bagarrer pour elles, ni contre d’autres peuples qui apprécient une autre réalité augmentée, qui bannit les images du divin celle-là…
Et enfin art, science, technique, éthique et religion ne seraient plus dissociés de manière artificielle.