9.6.07

Chapitre VI

intelligent design ?

Au coeur des champs de superconscience


VI

Les êtres singuliers dun monde pluriel



Je croyais trouver la plage déserte. Au loin la marée, les silhouettes ton chair des ramasseurs de coquillages donnaient l’échelle humaine à l’océan et à son camaïeu de bleus.

Assis sur le sable fin encore un peu humide des flots de l’estran, je voyais s’éloigner un groupe d’enfants, sans doute quelque classe de mer.

Un quad tirait une ribambelle de chars à voile attelés en file indienne. Ils seraient bientôt entoilés, du moins si le vent se levait, car pour l’instant il ne soufflait pas encore.

Le soleil voilé derrière les nuages arrivait comme tamisé sur ma peau.

Les rouleaux d’écume se faisaient paresseux. Des bancs de sable, laissés par la mer qui descendait, surgissaient comme l’énigme de terres promises.

A ces heures du milieu du jour, la chaleur finirait par percer le corps duveteux des nuées et par poser son sceau de cire rouge sur le papier bleu du ciel.

A l’horizon embrumé une longue épave noire voulait me raconter le récit de son ancien naufrage.

L’humidité de l’air rendait les plans lointains flous, comme indistincts, comme fondus avec le ciel.

Par contraste les promeneurs du sable plus proches se détachaient avec netteté. Et leurs rires, leur conversation joyeuse acquerraient ainsi un relief inopiné.

Onze voiles rouges avaient été dressées sur la cohorte des chars à voile alignée avec l’horizon. Déjà leur belle rangée se défaisait, tandis que les apprentis pilotes commençaient à les conduire dans un charmant désordre.

Les alizés réveillés semblaient ravis de cette journée. Tout émoustillés, ils commençaient de souffler, poussant les frêles caravelles à trois roues.

Je marchais jusqu’à l’un de ces bancs de sable et plongeai mes pieds nus dans l’eau glacée qui baignait la rive. Je goûtai ainsi à sa délicieuse fraîcheur qui en un instant m’évoqua pour quelque raison que j’ignorais la fonte des glaces polaires.

Brumes et éclaircies alternaient, jouant avec la surface des choses. Tantôt rafraîchi, tantôt réchauffé, j’avais l’impression d’être la tranche de citron vert de quelque cocktail on the rocks, agitée dans son bain d’alcools, de liqueurs et de parfums.

Les senteurs marines de varech et d’algues vives venaient maintenant avec le vent.

Ebloui par la saturation de mes sens, j’allais me baigner, flocon blanc parmi la neige des rouleaux.

Un chercheur d’or muni d’un détecteur de métaux arpentait les sables humides. Il balayait la plage en un geste de faucheur, comme avide d’une moisson de trésors.

Révèlerait-il, enfouis, quelque bague, quelque anneau, délaissés par les flots ?

Comme mû par son appétit de découvertes, il ne se lassait pas d’aller et de venir.

Précédé de sa poêle à frire électronique au bout du long manche, il la déplaçait, frôlant la surface beige en un geste habile.

Déjà les enfants de la classe de mer repassaient, revenant sans doute d’où ils venaient.

Vêtus de cotonnades aux vives couleurs orange, rose, jaune, pistache, rouge et verte, bleu turquoise et corail, leur cortège inattendu et bigarré s’égrenait, se déversant comme un chapelet cassé sur la plage.

Ah ! Notre chercheur d’or venait de se pencher.

A l’aide d’une pelle à main il creusait, fouillant le sol comme une petite taupe.

Rien de précieux ne semblait l’attendre, puisque son trésor c’était je crois sa fameuse poêle à frire.

Elle semblait le tirer en avant et animer l’impétuosité de sa promenade.

Flairant trouvaille sur trouvaille, comme un chien les odeurs, toujours désappointé, jamais lassé, allant d’un endroit à l’autre, le chercheur d’or ne se décourageait pas, me donnant presque le tournis tandis que je le voyais lutiner.

Etais-je meilleur, moi qui cherchais les trésors de la conscience précédé de mon stylo ? Je l’agitais de la même manière qu’un chercheur d’or sur la plage de papier blanc. Inlassablement je désirais trouver l’anneau caché sous le sable de la pensée.

Jamais ne le découvrant, toujours recommençant d’écrire, encore et encore.

Voici les nouvelles péripéties de ma pêche au trésor que je reprends là où je l’ai laissée au chapitre précédent :

A l’image de quelque variété hybride végétale, notre espèce humaine profiterait-elle des soins d’inconcevables jardiniers, très au fait des lois de la vie, et issus de l’intérieur même de la réalité qui est la nôtre ?

Cette idée-même de dieux ou de divinités est sans doute imparfaite pour rendre compte tant de l’unité, que de la diversité et de la complexité qui semblent surgir d’un éventuel champ morphogénétique conscient au cœur de notre réalité.

Les initiations au sacré ne seraient que quelques bribes d’expérience mettant en contact plus étroit les hommes et les mondes transversaux qui les inspirent peut-être.

Notre intelligence limitée, notre incarnation dans l’espace et le temps, nos cinq sens rudimentaires feraient de nous des êtres aveugles et sourds, dociles en somme.

Peut-être sommes-nous vraiment « le bétail des dieux » pour reprendre l’heureuse et terrible expression de Daniélou, tantrika français qui voyagea en Inde (et frère du cardinal Daniélou) ?

Enclos comme de paisibles Charolais derrière les clôtures invisibles de nos sens et de leur ignorance, nous ne nous douterions de rien…

Depuis ces champs imperceptibles toutes les initiatives seraient-elles désintéressées ?

Existe-t-il aussi des enjeux, des ombres et des lumières, des mondes hostiles ou amicaux à notre égard ?

Et quid alors de notre fonction d’humain élevé ?

Sommes-nous comme nos chats et nos chiens, d’agréables compagnons de jeu pour des mondes impassibles qui nous contemplent avec le « sourire » et l’indulgence et de la bienveillance ?

Sommes-nous au contraire des gisements de vitalité inconsciente, sciemment exploités sans que nous n’en vissions rien ?

Le film Matrix le suggérait de manière imaginative en montrant une sorte de gigantesque ferme usine où les êtres humains, alignés comme dans un élevage en batterie, étaient en permanence branchés, sans qu’ils s’en rendissent compte, pour alimenter en énergie les mécanismes d’un autre monde qui leur était imperceptible.

Sommes-nous enfin les enfants des civilisations stellaires, patiemment éduqués afin de cheminer sur la voie de la science, de la sagesse et de la connaissance vers des plans plus subtils qui nous échappent ?

Quand je vois la vitesse du développement des sciences appliquées, je me dis qu’autre chose que l’évolution naturelle agit.

C’est comme si les technologies nouvelles nous étaient infusées, transfusées à fortes doses !

Il y a deux siècles nous ignorions tout ou presque de l’atome, de la télévision, des télécommunications, de l’informatique, de la robotique, des nanotechnologies.

Aujourd’hui vingt ans suffisent pour inventer de nouvelles disciplines, des cristaux liquides aux réseaux neuronaux, comme si nous étions branchés sur une autre source de développement et d’apprentissage que la lente et naturelle évolution.

C’est cette vitesse surprenante qui me laisse penser que notre évolution ne doit pas tout au hasard et à la nécessité, ni même à la courbe d’apprentissage et à l’accumulation humaine progressive des connaissances.

C’est comme si au cœur de notre humanité semblait s’affairer un ou d’autres mondes qui nous transmettaient des impulsions avec hâte et intensité, comme s’ils étaient pressés de nous voir nous transformer collectivement !

Aujourd’hui l’automobile hybride, la pile à combustible à hydrogène, l’avion supersonique, et les vols orbitaux habités destinés aux touristes de l’espace sont bien là. Il y a deux siècles encore, rien ne laissait présager de tels bons en avant.

Comment imaginer que la simple et patiente acquisition humaine des connaissances aient permis cette fulgurante capacité d’apprentissage, ses synergies et ses spectaculaires percées ?

Quelque chose va trop vite pour que ce soit le simple et seul fruit de l’humble travail humain, même accumulé ! Et cette source d’inspiration, qui vient de l’intérieur même de notre civilisation, semble familière des nouvelles technologies.

Comme si des champs imperceptibles et agissants étaient eux aussi habités par les sciences appliquées et familiers de leurs langages.

La technoscience serait en quelque sorte la langue commune de ces mondes et du nôtre, un peu comme l’anglais est un langage véhiculaire sur la planète Terre aujourd’hui. Beaucoup d’entre nous le parlent peu ou prou, le baragouinent plus ou moins bien pour communiquer ici-bas.

Percevoir en nous les effets de leurs « sciences » nous permettrait de mieux comprendre ces plans, ces champs, ces univers intérieurs, ou au moins d’essayer d’établir un pont, même incertain, même partiel, avec eux.

Même si « leur » science n’était pas vraiment comme la nôtre, elle agirait sur nous d’une part, et constituerait un reflet de leurs préoccupations d’autre part.

Elle finirait par modeler de l’intérieur notre propre innovation scientifique et technologique, mais aussi nos éducations, nos concepts, nos modes de vie et de comportement.

Les développeurs informatiques du système Linux et de l’OLPC, l’ordinateur à 100 dollars pour les enfants des pays émergents, mais aussi les « geeks », ces férus de nouvelles technologies, et les « gamers », ces joueurs en réseau adeptes de jeux vidéo, sont-ils tous des nouveaux « enfants » secrets issus de « l’union » entre ces « mondes intérieurs » et notre humanité ?

Enfin il se pourrait que l’humour existât aussi dans leurs algorithmes pour nous, comme un signe d’une conscience adressé à une autre.

Et j’espère que vous aurez lu ces paragraphes avec le même humour, puisque de rien de ce que j’écris ici je ne suis vraiment certain…



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