6.7.07

Marc Bosche


intelligent design ? Vol. I :


Au coeur des champs de superconscience


avec une postface de Jean Even


E S S A I


collection eBooks

OpenAnthropology




23.6.07

quatrième de couverture


intelligent design ? (volume I)

Au coeur des champs de superconscience


Aux Etats-Unis l’Intelligent Design a fait son entrée dans les manuels scolaires, au grand dam des tenants de la laïcité. Car il est aussi une des ripostes de Chrétiens aux théories évolutionnistes.

Selon cette vision la nature, l’homme et l’évolution des espèces n’obéiraient pas (ou pas seulement) à une logique de sélection naturelle, de hasard et de nécessité, mais à un dessein intelligent.

Marc Bosche, explore les implications de cette vision du progrès et de l’homme, en montre les limites et l’expose au risque de l’anthropologie interculturelle.

Dans le même élan, il se livre à ce qu’il qualifie lui-même de folle théorie. Et si la réalité était plus surprenante encore ? Si la réalité dépassait la science et la fiction ? Et si les religions étaient des contes simples dissimulant, cachée derrière, une complexité plus familière de nos technosciences ?

De questions en hypothèses, on découvrira au fil des pages que l’Intelligent Design recèle des significations plus profondes que la simple vision religieuse.

Avant de souhaiter concilier ainsi les nouvelles technologies et la sagesse, la cybernétique des systèmes et la méditation, l’auteur a lui-même vécu deux expériences de mort imminente (NDE) qu’il décrit de manière vivante.

Unifier l’imagination et l’observation, tel est le pari que propose l’auteur du Voyage de la 5ème Saison et de Nirvana avec cet essai spéculatif.

Le lecteur ressortira quelque peu décoiffé de cette invitation à la réflexion qui passe par les cyborgs, la réalité augmentée (Augmented Reality) et la mémoire cénesthésique. En lui de nouvelles questions s’élèveront naturellement. Car il appartiendra à chacun de se forger sa propre opinion...



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E S S A I

eBooks OpenAnthropology Texte integral ISBN 2-9516584-4-3



synopsis

intelligent design ?

Au coeur des champs de superconscience


Synopsis



Au coeur de l’île d’Oléron, bercé par les averses, les brises et le murmure de l’océan, Marc Bosche relit Proust en sirotant quelques tasses de thé vert. De ses contemplations de la mer et de l’écriture souvent gaie et vivante de l’auteur du temps retrouvé naît ce livre.

Encouragé par les méditations essentielles de Proust sur la mémoire, l’ouvrage aborde sur le mode spéculatif le plus libre, sans tabou, credo, ni a priori le sujet sensible de l’intelligence du vivant et de ce qui est à l’œuvre au sein de l’évolution.


Entre technologie et métaphysique, ses hypothèses réconcilieront les croyants et les athées, les chrétiens et les bouddhistes, les amateurs de prospective et de littérature, les férus de science fiction et les « geeks ».

Selon Marc Bosche il pourrait bien exister des champs de superconscience évolués. C’est du moins, selon lui, la principale hypothèse plausible pour rendre compte des énigmes de la conscience et du progrès.

Au cœur de l’expérience personnelle et collective, ils disposeraient cependant d’une interface limitée avec le règne de l’homme. Ils communiqueraient en quelque sorte avec ce dernier par indices et signes.


Lien véritable entre nos mondes, la pensée serait l’étroite passerelle entre l’homme et les énigmatiques présences hautement évoluées, intérieures et subtiles qui le guident, peut-être.


L’aventure passionnante de lIntelligent design ? est contée par l’auteur comme une quête et une enquête. L’une et l’autre invitent le lecteur à envisager à son tour ses propres questions et réflexions sur le mystère nodal qui fascine l’humanité depuis toujours sans jamais encore avoir trouvé de réponse satisfaisante...


L’auteur a souhaité que ce livre soit d’abord écrit, édité et optimisé pour la lecture sur écran et le partage Internet et, bientôt, pour les lecteurs mobiles eBooks à papier et encre électroniques.

Note : Ce blog est également sonore, il est illustré par un "shuffle" (une sélection aléatoire) des musiques de l'auteur. Vous pouvez l'activer, l'arrêter ou choisir d'autres titres à partir du lecteur ci-dessous. Cette fonction est opérationnelle sous Windows XP avec Firefox et Explorer, il est possible cependant que d'autres systèmes d'exploitation ou les réglages de votre navigateur ne permettent pas cette écoute musicale. Bonne lecture.


17.6.07

A.I. Artificial Intelligence

La bande annonce du film A.I. / Artificial Intelligence, de Steven Spielberg (2001)...

Grâce à l'habile mise en scène d'un enfant robot, joué par un vrai acteur, le film invitait l'ouverture du grand public à sa réflexion sur la place de l'homme, et sur la relativité de sa conscience dans la création et dans l'évolution.

16.6.07

Avant-propos

intelligent design ?

Au coeur des champs de superconscience


Avant-propos

Une clef en forme de point dinterrogation



Les religions ont aujourd’hui encore le monopole du discours sur l’au-delà, la métaphysique, le sacré et le lien avec le sacré.

Ce privilège n’a pas été ôté par les sciences, plus proches de l’agnosticisme et de l’athéisme.

Car en niant les images simples du religieux, en en révélant l’étroitesse et les contes, la science contemporaine et rationnelle finit par préciser les limites mais, ce faisant, par désigner le fait religieux comme seul habilité aux questions métaphysiques.

En évacuant le frisson du sacré la science a également coupé la branche sur laquelle elle était assise, et qui était aussi sans doute sa question, sinon la question la plus intéressante : celle de l’aventure de la conscience dans l’univers.

De l’autre côté, celui des Eglises et de leurs traditions révélées, rien de neuf à en attendre : des dogmes, commentés encore et encore.

Ni satisfaits de la science, ni des grandes religions, les jeunes gens sont ainsi tentés par les groupes, communautés et sectes qui leur proposent des explications à leurs propres expériences spirituelles. Certaines de ces organisations offrent même les conditions favorables à l’occurrence de tels épisodes intérieurs.

La suite, on la connaît : les adeptes sont invités à payer le prix fort de la dépendance, pour les miettes qu’on leur a données et à sacrifier leur vie « corps, parole et esprit » pour reprendre la formule inlassablement répétée par exemple dans une école du bouddhisme d’origine himalayenne.

On le voit, même si l’ouverture intellectuelle et interculturelle progresse dans la société, cette dernière ne laisse pas beaucoup de place au sain questionnement.

Elle nous garde bien compartimentés entre science et religion, réalité et discours, comme serrés en bas et en haut, à gauche et à droite par des cloisons, bien enfermés en somme.

Que nos contemporains s’adonnent alors au culte du confort matériel, de la consommation et de la prospérité n’est pas étonnant.

Les autres ouvertures ont été bouchées. Il reste « qui veut gagner des millions », Pop Idol et la vie des « People » à singer.

On a verrouillé les portes et les fenêtres de l’éveil. Et les personnes vivent désormais comme closes dans des boîtes séparées les unes des autres. Elles sont apeurées à l’idée d’aller à la rencontre de « l’autre » et effrayées aussi à la perspective de plonger au cœur du mystère du « je ».

Egoïsme, froideur, calcul en sont les conséquences.

Les remèdes sont simples et pas toujours bien connus, car ils sont trois à prendre : relation, éducation, initiation. Et la pilule est parfois amère.

La relation c’est l’ouverture au monde et aux autres, la découverte de l’amour. L’éducation c’est les concepts, le langage, la culture : pouvoir mettre des significations sur du sens.

L’initiation c’est, en solitude, aller à la rencontre du silence et sentir ce qui vient lorsqu’on frôle les limites habituelles.

Ce petit livre paraîtra bien immodeste. Tant pis, je suis prêt pour la critique et elle vaudra mieux que l’indifférence glacée.

Ces pages suggèrent ce qui peut émerger lorsque relation, éducation et initiation se conjugueraient.

La science se met alors à parler du sacré. Et le mystère en retour commence à s’intéresser à la technologie.

Surgissant de la contemplation, notre existence et notre monde semblent autrement fondés.

Et en nous l’indicible et l’imperceptible ne sont plus absence ni néant.

Et la surprise vient en chemin…

Ces pages ne donneront pas de clef satisfaisante, car l’auteur n’en dispose pas, mais pointeront du doigt l’existence de quelque serrure.

Et cette serrure peut s’appeler « intelligent design ? »

Quant à la clef, elle a la forme du point d’interrogation que nous avons mis à côté.

Nous suggérons à chaque lectrice et à chaque lecteur de se saisir de ce point d’interrogation et d’introduire sa jolie clef.

Une serrure c’est avant tout le chas de la serrure, sa béance, comme un espace voûté et nocturne. Et puis autour se dispose et s’active un mécanisme très complexe, d’une technique qui nous échappe toujours un peu.

Par l’initiation nous avons accès au chas de la serrure.

Même s’il nous est difficile de comprendre ensuite le mécanisme, par l’éducation nous pouvons l’entrevoir, le supposer, l’imaginer.

Enfin la relation est indispensable pour communiquer ce que nous avons entraperçu.

Car sans cet amour de la vie, du monde, de la nature et des êtres, nous n’aurions aucun motif de nous exposer ainsi, voire de nous tourner en ridicule avec la folle théorie qui va suivre…

Nous sommes partis de cette ouverture presque ronde et bleue nuit de la serrure. Nous l’avons rencontrée en solitude.

Nous vous invitons à y insérer, comme nous l’avons fait, le point d’interrogation ouvragé en forme de clef.

En tournant ces pages, nous vous encourageons à tourner aussi cette clef du questionnement.

Après, les déclics et les ouvertures seront vôtres. Et peut-être les raconterez-vous à votre tour dans votre propre livre de vie…


14.6.07

Chapitre I

intelligent design ?

Au coeur des champs de superconscience


I

La rumeur des distances traversées



Je suis arrivé à l’île d’Oléron sous des trombes d’eau. Ces quinze jours de vacances commençaient.

La maisonnette blanche était comme à l’accoutumée. J’installai mes cahiers d’écriture sur la table de la véranda. Trois étaient destinés à ce livre : bleu, vert et rouge. Ils avaient été achetés au superU local…

A côté des cahiers trônaient les volumes I et II d’à la recherche du temps perdu. Les oeuvres de Marcel Proust m’avaient été offertes en Pléiades.

J’en étais arrivé à relire les « Jeunes filles en fleurs » et à redécouvrir ainsi les vacances à Cabourg de Marcel Proust quand il était jeune homme. Des textes que j’aimais et qui étaient comme un miroir de mes propres séjours à la mer.

Le thé vert infusait. Seize heures trente. Irais-je à la plage, en dépit de la bruine qui mouillait désormais l’île ?

Je ne détestais pas ce temps de pluie, d’abord les averses, puis cet après-midi les gouttelettes fines.

Bien au contraire cela me détendait et apaisait le rhume des foins, mon mauvais ami de ce mois de juin.

Mais qui pourrait bien lire bientôt ces pages, écrites d’abord au feutre noir sur les grands carreaux du cahier bleu ? Il faudrait que toi lecteur, lectrice, tu trouves le chemin de cette publication, peut-être sur Internet…

Le livre papier était en effet déjà un objet désuet. D’ici quelques années les lecteurs de livres électroniques auraient balayé l’invention de Gutenberg. On téléchargerait les bouquins sur Internet. On les lirait sur un écran flexible et nomade.

L’édition de papa, pardon… de papier, vivait ses dernières années. Personnellement je ne pleurerai pas. Le monde de l’édition était devenu une ombre de lui-même. Ce tigre de papier dont le capital était parfois détenu désormais par quelques marchands d’armements n’avait tout simplement plus assez de courage pour vivre.

Ce vent de nouveauté y mettrait un excellent coup de balai. Chacun pourrait se publier et avoir les mêmes chances d’être lu, grâce à la rencontre d’Internet et de ces petits lecteurs nomades de livres électroniques…

Demain d’autres lecteurs plus jeunes se souviendraient à peine de ce que fut le papier. D’un clic ils afficheraient l’encre électronique d’une page. D’un autre clic, ils tourneraient cette feuille de papier virtuelle. Leur bibliothèque tiendrait sur une petite carte mémoire insérée à la base de leur « eBook reader » made in China.

Adieu Pantheon books, Gallimard, Grasset, POL, Actes Sud et Flammarion !

Peut-être certains figureront après demain au tableau de chasse de Lenovo, de Samsung ou d’Apple…

Ces fabricants d’ordinateurs commercialiseront le livre comme certains le font déjà des tubes de musique avec leurs plateformes sur Internet et leurs petits lecteurs de fichiers mp3 mobiles.

A moins que le rachat des éditeurs prestigieux de livres, vidés de leur contenu, ne tente aussi Sony, Sega ou Nintendo, grands fabricants de jeux vidéo et des consoles électroniques qui vont avec.

Après tout produire une console de jeu vidéo ou un lecteur de livres électroniques, cela ne fait pas de vraie différence…

C’est pour toutes ces raisons que je ne regardais plus le jeune Marcel Proust du même œil.

Je savais que notre époque était, elle aussi, révolue comme l’était celle qu’il nous raconte dans « La recherche ».

Mes souvenirs, mes expériences, mes livres seraient aussi les bastions et les citadelles dérisoires d’une bataille perdue d’avance.

La puissance de la vie, l’intelligence des machines, le renouvellement des générations plus aguerries aux nouvelles technologies allaient balayer ce monde si patiemment élaboré.

J’appartenais au monde ancien, même si tel Proust émoustillé et décoiffé à bord de l’une des premières automobiles, je surfais déjà et comme tout le monde – ébloui - sur les vagues de la cybermodernité.

Mon temps venait à sa fin. Le terme de la civilisation du papier annonçait que la page de mon monde serait bientôt tournée, ou plutôt que le livre en serait refermé.

J’avais juste de temps d’écrire.

Juste le temps de confier au glissement du feutre sur le papier l’émoi fragile et impermanent.

Que subsisterait-il d’une éducation, des valeurs de ma famille, des images du monde englouti ?

Face à moi, accrochée à un pilier de la véranda, une bouée de marine décorative blanche et bleue portait la mention : « bienvenue à bord ».


13.6.07

"Unlocking the mysteries of life" (1)

Cette première partie d'une vidéo en anglais offre en quelques minutes des arguments visuels didactiques en faveur d'un dessein intelligent de la vie micro-biologique et cellulaire.

Elle fait partie d'un show case pédagogique destiné notamment à permettre à la théorie de l'Intelligent Design d'entrer dans les cursus éducatifs.

Dans d'autres vidéos, égrenées entre les chapitres du livre, nous présenterons, outre la suite de cette vidéo, les tentatives de réfutations qui ont été apportées, ainsi que l'évidence du débat passionné qui s'est engagé dans le monde anglophone à ces sujets.

Chapitre II

intelligent design ?

Au coeur des champs de superconscience


II

Quand dun passé ancien rien ne subsiste



Le soir est venu et j’ai tiré les rideaux bleus de la véranda. Au loin vient le souffle du vent. Deux filles passent sur la route à côté, à vélo, en riant.

Avec l’ombre s’élève l’esprit des confidences.

J’ai quitté voici dix ans une situation stable qui me voyait établi jusqu’à la retraite. Professeur de sciences humaines dans une grande école, j’avais ce que j’avais désiré.

Et je me rendis compte surtout que j’attendais.

Ma vie était devenue attente, attente du prochain jour de repos, du week-end à venir, du voyage en province, ou au bout du monde…

J’existais ainsi dans les interstices de ma vie, et non dans sa substance. J’acceptais cela parce je touchais un bon salaire, que j’avais un bon travail et des étudiants brillants.

Tous, mes collègues et moi attendions. Nous attendions que la vie passe, puisque nous étions payés pour cela.

Un jour j’ai pris la poudre d’escampette.

Un vieux moine tibétain m’a pris sous son aile. Je suis allé dans son monastère, me suis fait raser la tête. Vêtu d’une robe rouge j’ai suivi ses pas. Je ne l’ai jamais regretté.

Aujourd’hui il est parti. Déjà. C’est le premier être aussi cher que j’ai perdu. On découvre que chaque disparition restera inconsolable.

Même si je n’ai pas aimé le monde ritualiste qu’il a légué, en partant, à ce pays d’Occident, il est ce qui m’est arrivé de meilleur dans cette vie d’adulte.

Même si le lamaïsme ne vaut pas mieux que l’élitisme de ma « grande école », l’homme qui l’incarnait était bon.

Son image revient sur l’écran de la mémoire. Un visage aimable. La confiance. La connaissance. Autant d’impressions que son souvenir évoque.

Aujourd’hui j’ai laissé le bouddhisme. C’est une religion. Son idée que la vie est souffrance est un contresens. C’est d’autant plus évident quand on a, ne serait-ce que fugitivement, éprouvé comme la vie humaine, chacune d’elles, est unique et précieuse.

Aucune vie ne ressemble à aucune autre. Et sans la vie que serions-nous ? Non, la vie n’est pas souffrance, mais opportunité, chance extraordinaire, miracle chaque jour renouvelé de la conscience, et mystère intact.

Le bouddhisme a donc logiquement échoué, à partir de ses prémisses philosophiques erronées, d’abord en Asie, puis aujourd’hui en Europe. Il a fabriqué des disciples, des dévots, et mêmes des nouveaux néo-fondamentalistes. Il s’est désenchanté.

J’ai ainsi quitté la vocation d’un métier, puis celle d’une vie monastique qui me plaisaient pourtant l’une et l’autre.

Que me reste-t-il ?

« Mais quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable l’édifice immense du souvenir. »

Ce qui reste, cette quintessence du temps vécu, s’élève ainsi que Proust l’écrit dans du côté de chez Swann. Au quotidien, au gré des sensations, des rencontres, des situations nous voyons revenir le sens de ce que nous avons déjà vécu.

Nous voyons bien qu’il n’est plus temps pour nous de découvrir le monde ou de défricher ses territoires.

Non, bien au contraire, chaque regard, chaque anecdote de notre quotidien mature est aussi le code d’un trésor.

Enfoui depuis le passé, il émerge enfin.

Cette deuxième moitié de la vie est faite comme un rébus. Et nous avons déjà en poche toutes les énigmes que la jeunesse nous donna.

Survient l’illumination du sens, d’instant en instant, ou plutôt : de temps à autre. Et c’est la belle conquête de l’homme, avec ses aimables surprises.

La vie nous a initiés. Ses mystères apparaissent parfois au grand jour. L’odeur, la saveur, le toucher ou la sonorité deviennent tels des autels.

Un visage, une pensée nous éveillent désormais, en laissant revenir de l’oubli le message que d’autres visages, d’autres pensées inspirèrent.

Enfant, adolescent, jeune homme nous nous étions remplis les poches de souvenirs. Et aujourd’hui voici que tels des ombres de ce que nous fûmes, nous existons grâce à eux.

L’enfant n’est plus, mais les coquillages qu’il a ramassés sur la plage parlent la langue de la géométrie. Les bonheurs que l’adolescent a butinés racontent aujourd’hui l’Histoire. Les amours que le jeune homme a éprouvées connaissent désormais mieux le cœur des êtres et les sondent sans effort et sans désir.

Je ne suis plus qu’une sorte d’herboristerie, emplie de simples dans de nombreux tiroirs.

Ma nature s’est évanouie, et il ne reste que les échantillons heureusement prélevés lorsque le soleil était encore à son lever, et que la rosée nimbait la campagne.

Un fantôme, sans doute, voilà ce que je suis.

Un peu d’esprit qui poursuit sa route, ivre de ce qu'il a été au contact du monde.

Libre, sans doute aussi de cet univers qui a cessé de le nourrir.

Saturé de mémoire, débordant de significations, je peux enfin regarder un monde que je ne comprends plus.

Ou plutôt que je comprends trop bien pour souhaiter m’y compromettre.

Spectateur du temps qui passe, je dis « Oh ! » quand sa folie me navre et « Ah !! » lorsque je suis séduit par son intelligence et ses trouvailles.

Et je regarde avec incrédulité les jeunes gens dans les fast foods, me disant que je ne comprends plus rien à leurs existences.

Je ne sais si c’est moi le fantôme, ou si c’est eux les ombres, vivant un songe en noir et gris.

Je préfère ma place à la leur.

J’aime mieux faire ces incantations, littéraires : « Ouh ! Ouh ! » drapé dans mon drap blanc, celui de l’observateur, comme Belphégor, plutôt que de me confondre avec le jeu d’ombres du monde aujourd’hui.

Car ce dernier est fait de tons de gris. Les hommes et les choses s’y sont étreints et confondus.

Ce décor est un peu sinistre, je n’y vois plus guère palpiter, libre, la vie.

Cette dernière est asservie, fondue avec la machinerie qui a de plus en plus remplacé la civilisation.

En revanche, dans mes souvenirs vibrent encore les fleurs de la liberté, de la passion et du sourire.

Des enfants y sont paisibles. Les êtres, tendres. Et le climat, tempéré.

Intact, du monde de la mémoire s’élèvent les images claires, douces, chaleureuses et transparentes d’un monde illuminé par la beauté du souvenir et nimbé de la grâce de sa recollection.

L’eau frémissait sur le gaz et l’infusion de tilleul sera bientôt prête.

En relisant le chapitre je me dis que, cher lecteur, chère lectrice, tu auras le droit de me considérer comme un pauvre type.

Je me prends pour un sujet sage et averti et ne suis qu’un vieux con.

Il n’en reste pas moins que je ne comprends plus grand-chose aux gens que je vois manger en ville. Cela m’intrigue. Quelque chose s’est passé, qui m’a échappé, et voici que l’humanité que je vois vivre devant moi m’est devenue incompréhensible.

Les jeunes ont l’air vieux. Les vieux ont l’air jeune.


12.6.07

Chapitre III

intelligent design ?

Au coeur des champs de superconscience


III

Plus frêles mais plus vivaces



Le tilleul est bon. Et on entend toujours au loin le mugissement du vent et des vagues qui se confondent en un souffle continu.

On pourrait croire que les chapitres qui précèdent sont le bilan désenchanté d’un témoin atteint par la dépression ambiante.

En réalité ce n’est qu’une facette, que l’aspect le moins satisfaisant de notre expérience.

Par bien des aspects essentiels le monde et les hommes sont plus avancés aujourd’hui qu’il y a quelques décennies à peine.

Aux avants postes, il y a la science et la technologie. Et je ne ferai pas l’affront au lecteur d’énumérer les domaines où la vie est améliorée, plus confortable, grâce à leurs innovations. Car chacun le constate aussi.

Certes, le nombre des humains sur leur planète, en augmentant révèle les contradictions de leur projet, voire sa finitude, ses limites et l’éventualité d’un terme à sa croissance physique.

Mais cette humanité qui fonce vers les dix milliards et que nous avons connue à deux, est aussi une collectivité plus maillée, plus riche de ses connexions plus nombreuses.

Chaque être connecté au réseau intelligent de la planète, un peu comme les neurones d’une intelligence partagée de plus en plus grande, fait qu’inexorablement la conscience progresse et augmente.

Le prix, outre l’épuisement de la terre, est que nous nous ressemblons aussi de plus en plus, comme autant de cellules moins différenciées d’un même vaste corps conscient, d’une unique conscience.

En cela oui, la machine a pris beaucoup de place. En cela oui, avec Internet, Google, son Web sémantique, et les réseaux d’ordinateurs nous sommes déjà reliés dans un vaste champ de conscience cybernétique.

Mais le progrès collectif revient aussi vers chacun, ne serait-ce que par exemple grâce à ces cybercafés qu’on trouve aujourd’hui même dans les contrées les plus déshéritées.

Je ne dis pas que la misère et la pauvreté ne seraient pas préoccupantes. Juste que tout n’est pas sombre.

De plus en plus nous formons un monde soudé. Nous n’ignorons plus grand-chose de la vie et des malheurs des autres au bout du monde.

Imperceptiblement nous devenons de plus en plus semblables.

L’unité de ce monde pluriel apparaît, inexorable, au prix d’une perte des singularités de ses êtres.

Ce que nous avons perdu d’un côté, nous est comme rendu de l’autre. A l’affadissement des esprits répond la vitalité des technologies partagées.

Même aux « tristes tropiques » que déplorait l’ethnologue Lévi-Strauss se répand le confort pour des êtres de plus en plus nombreux.

Si nous fonçons vers le désastre, ce qui n’est pas absolument certain, au moins filons-nous de plus en plus vite et ensemble, comme un seul homme.

Modelés par la ville uniforme, par des modes de consommation de plus en plus semblables partout, par le marketing global et par sa télévision les citoyens de la Terre se ressemblent. Et qui se ressemble s’assemble. Ils peuvent commencer à envisager un projet commun à leur grande et nouvelle famille.

Faut-il regretter comme Lévi-Strauss la perte de la typicité et des couleurs locales ? Bien sûr, mais pas trop. L’émergence d’une humanité autrement plurielle, unie par son interconnexion, peut aussi nous réjouir et susciter sinon de nouveaux enthousiasmes du moins des perspectives encourageantes.

Tandis que je sirote le thé vert qui a succédé au tilleul dans ma tasse, le matin se lève. J’entends une voiture démarrer. Là-bas un coq chante. La vie continue. L’avenir n’a jamais paru aussi excitant qu’à l’heure où il faut découvrir de nouvelles sources d’énergie qui seront utiles à tout le monde.

11.6.07

Chapitre IV

intelligent design ?

Au coeur des champs de superconscience


IV

Le Pays Blanc des N.D.E.s



Décidément la pluie s’est invitée sur l’île. Les ramures reverdies ondoient, tandis que les bruits de l’eau viennent de toute part.

Les chéneaux qui courent le long de la véranda chantonnent. Au loin, sur la route, les voitures dont jaillir des flots répandus, en un chuintement renouvelé.

Cher lecteur, chère lectrice, le seul vrai changement au décor en cette fin de matinée, c’est le thé Darjeeling à la cassonade qui fume dans sa tasse à côté de ce cahier bleu d’où je vous écris.

Il y a quelques années j’ai approché les circonstances de la mort. C’était ce qu’on appelle « expérience de mort imminente » ou « expérience au seuil de la mort ».

En anglais le vocable est déjà familier : N.D.E pour « Near Death Experience ».

A quelques mois d’intervalle deux moments critiques se sont produits.

A chaque fois j’ai bien cru ma dernière heure venue.

Les images de ces instants se sont déjà un peu dissoutes. J’avais heureusement écrit le récit de chacun. Il sera plus fiable que ma mémoire d’aujourd’hui. Les voici.

« Il constata, en y entrant, qu’il s’agissait d’un puissant jaillissement qui s’élançait, comme d’une source vive [...], pour retomber dans le poudroiement de milliers d’étincelles [...] ; cette jaillissante colonne avait l’éclat splendide de l’or en fusion ; rien, pas le moindre murmure ne se faisait entendre : cette grandiose féerie baignait dans un silence saint. » Novalis




AVRIL.

On m’envoya à l’Hôpital Public afin d’y faire les analyses. J’étais dans une période d’asthénie et d’épuisement.

Là, à cause d’une grève, je restai sans pouvoir boire, allongé sur la civière. Sans nourriture depuis le matin, mais surtout sans eau, mes dernières forces, déjà entamées par cette journée épuisante, s’étaient donc enfuies.

Sur ma civière, entre veille et sommeil, je me sentis partir, c’était donc cela la mort me dis-je, détaché. En effet sans la moindre peur, ni la moindre douleur, je percevais un grand bien-être dans ce hall d’hôpital, comme si je comprenais intimement que c’était un endroit utile.

J’étais lucide, et j’entendais distinctement et précisément les conversations autour, et me souviens encore convenablement aujourd’hui de leurs sujets. Il y avait de grands posters représentant des paysages d’îles tropicales au mur. Je pressentais même le rayonnement d’une machine de radiographie située à quelques mètres de moi. Mon pauvre corps ne réagissait plus, et je me sentis en quelques instants m’élever à plus de deux mètres au-dessus de mon corps. Il ne subsistait presque plus de lien avec lui.

Me voilà flottant comme un nuage d’or invisible dans ce hall à haut plafond, au-dessus du faible corps abandonné, sans personne pour s’en occuper, à cause de la grève du personnel.

J’étais donc en train de mourir ici, sans attirer l’attention, et je partais uni à ce rayonnement doré et noble, à cette présence « céleste », « sacrée », si bienveillante et consciente, mais diffuse et sans doute invisible aux yeux des autres. L’expérience était réelle et pas hallucinatoire, j’en avais la certitude.

Le temps passa, ou s’arrêta, mais je ne pouvais en apprécier le cours, il me sembla que les instants se faisaient spacieux. Je sentis que je venais de dépasser une limite, de franchir un point de non-retour...

Il me fallait suivre cette réalité rayonnante, joyeuse, paisible, tranquille, unifiée et douce dans ses « mondes », peut-être, dans son propre voyage, me fondre en elle, m’y dissoudre, ou m’y adjoindre comme un peu de sa lumière, et laisser ce corps et cette vie désormais.

Cette lumière d’amour, d’une qualité pas tout à fait « terrestre », était donc une des clés de vie. Car même mourant dans mon corps, j’étais toujours bien vivant dans ce plan subtil, et comme heureux de l’être.

Ayant imprégné discrètement mon corps, sa matière organique, ce rayonnement ineffable, inconditionnel, non référentiel, cette énergie de grand respect et de haute valeur, avait donc donné à l’humain que j’avais été sa véritable humanité, en lui étant prêté pour la durée de son existence...

Je pouvais ainsi me reconnaître dans cette parenté, et apprécier ce que j’étais : un être mis au monde par le soin ou par l’entremise de ces présences plus conscientes et plus parfaites, ou plutôt de cette présence singulière, une, silencieuse, lumineuse et presque placide...

À la fois un peu matière, mais aussi un peu énergie et un peu esprit, le nuage doré et diffus était-il aussi un artefact, une bouffée de vitalité profonde libérée par un art ou une science de la vie qui me dépassait ? Impossible de le savoir. C’était un peu de moi qui retournais vers cela ou plutôt vers Celui-ci.

Mais qu’elle fût naturelle ou qu’elle fût produite par une « science-art-sagesse » extra ou supraterrestre, la majesté de cette douceur était celle d’une conscience beaucoup plus vaste et bien plus évoluée que la mienne.

Voilà ce que je découvrais à ma manière. Pour moi aussi, ce départ de la lumière de la conscience hors du corps, signifiait la fin de ma vie physique. Mon espace et mon temps humain étaient caducs ici, dans cette ouverture et cette lumineuse absence de forme fixe.

Je n’avais pas d’émotions à ce sujet, même pas un regret, juste une évidence. La compréhension était claire. La pensée, très vigilante et paisible. Il ne pouvait pas s’agir de schizophrénie, il n’y avait d’ailleurs pas de souffrance, ni de distorsion de la perception. La réalité était perçue de manière assez complète et l’image de mon corps n’en était pas affectée.

Il ne s’agissait pas non plus d’un de ces phénomènes d’autoscopie où des malades mentaux se voient parfois eux-mêmes à distance, je ne percevais aucune dépersonnalisation, étant au contraire vraiment présent en ces instants qui semblèrent s’étirer...

Enfin il ne s’agissait pas d’autosuggestion, visiblement, puisque moi qui étais bouddhiste, je ne trouvai là aucune confirmation tangible de mes croyances. Nul bouddha blanc, rouge, vert ou bleu, ne m’attendait au-delà de ma vie humaine !

Quant à la doctrine de la réincarnation, à laquelle j’avais pourtant adhéré depuis longtemps, je n’en eus aucune confirmation, aucun indice, en ces instants... Il me fallait donc accueillir une évidence spirituelle sans étiquette, plus universelle, et très libre de mon propre conditionnement religieux.

Enfin je n’arrivai ni au paradis, ni en enfer, ni dans un purgatoire ! J’étais, tout simplement, un peu de cette énergie « lumineuse », qui avait été immergée, incarnée dans cet aimable et fragile corps de chair.

Elle rejoignait cette vaste lumière, sans visage, et cependant consciente à trois cent soixante degrés, de tout l’espace autour... Une bien belle rencontre, ma foi.

Mais un frémissement s’empara de moi : partir ou revenir, à nouveau la question se posait, et ce fut revenir qui m’attira vers le corps en bas, je retrouvai la conscience, revivifié, allongé sur la civière.

Deuxième expérience de mort imminente, trois mois plus tard. Je suis alors en période contemplative à la maison, dans une campagne paisible.

JUILLET.

Les heures du milieu du jour sont encore au zénith. Je m’étends sur le tatami. La relaxation qui ouvre les portes de l’attention et du regard intérieur s’élève. Le souffle se ralentit. Le monde semble diaphane et les aiguilles de la pendulette sont comme arrêtées. Une brise flâne par les volets entrouverts.

Quelque chose se passe.

Un oiseau s’agrippe sur le chambranle de la fenêtre, et lance son chant : surprise. Il volette dans la chambre et, quelques instants, se pose sur ma mince couverture. Je sens ses petites pattes sur moi, à travers le coton blanc, et je ne bouge plus. Il chante ! Il chante dans ma chambre, perché sur moi !

J’aimerai garder ces moments, les voir s’étirer, et y faire, moi aussi, mon nid. Mais le temps attire ce visiteur ailé, qui s’envole et, mû par le phototropisme du soleil, jaillit vers le ciel pâle des chaleurs estivales.

Le fil de ce rendez-vous avec les anges du bien-être continue cependant. Le principe conscient se meut alors. Comme soulevé par une activité qui lui serait propre, il s’immobilise au-dessus de mon corps. Ce dernier est à la fois sous le charme protecteur de cette nuée d’or tactile qui stationne à un mètre au-dessus de ma forme physique, allongée paisiblement sur ce lit blanc.

La conscience est donc à la fois dans ce halo pailleté, et dans ce corps qui a un lien avec lui. On dirait que la sagesse de mon corps s’en est extraite pour quelques instants.

Je les contemple, intérieurement, depuis mes membres assoupis, comme un spectateur rivé à son balcon.

Dois-je partir ? Ma vie est-elle achevée ? Les heures et les jours ont-ils trouvé ici leur achèvement ?

Il me semble communiquer avec ce champ de conscience lumineuse, là, juste à portée de moi. Il se peut que ce soit une sorte de leçon.

La vie est ici dissociée en sujet de lumière et en corps organique, afin de me montrer que nous ne sommes pas vraiment cette évidence de machine biologique pensante. Autre chose s’est mêlée, à nous humains, et nous donne la capacité de vivre. Ce corps de lumière sans forme qui luit au-dessus est doté des caractères de la sensibilité, et peut-être d’une certaine « connaissance ».

Mais que sais-je, après tout, de la connaissance ? Rien de plus que cela : il est à la fois une essence de soi, et un aspect personnalisé d’une Humanité interdépendante et unie, de l’intérieur.

Il appartient aux autres, mais il m’est personnellement accessible. Il est mon identité la meilleure sans doute, mais il est aussi le messager des autres, car eux aussi partagent cette sagesse et ce regard sans visage.

Bien sûr je reconnais la métaphore que les Chrétiens, par exemple, adoptent pour rendre compte de leur foi, et peut-être, pour certains, de leur expérience. Il me faut aussi découvrir que le bouddha n’est pas loin, non plus ! Il est peut-être une image qui doit garder son sourire, puisque ce que je découvre, animé de ce souffle délicat de l’or conscient, est l’aimable visage de la paix.

Mais, il m’apparaît aussi que le culte bouddhiste est une aimable restriction de la connaissance. Pour le bouddhiste que j’ai été jusqu’à cet instant, c’est la fin de la dévotion exclusive à la tradition asiatique : mon corps est mis au monde et accompagné par d’autres subtiles réalités, mais il n’est pas d’exclusive orientale.

Car ce que je vois au-dessus de mon corps, ce qui sourit sans forme, cette lumière dorée et fluide, n’a pas de nom, de religion, de mot, ni de préférence. Il est donc sans valeur pour moi désormais d’affirmer un bouddha élitiste. Tout cela n’est qu’une question de dénominations, de vocabulaire, sans doute de foi et, en ce qui me concerne, sans aucune nécessité, dès cet instant que je vis, là.

Je découvre de l’intérieur un peu de l’universalité de la condition humaine, une beauté, quelque chose de plus qui nous prolonge dans d’autres réalités, et la limpidité de son or volatil.

Je reconnais, en ces instants, la part de vérité que contient tant le bouddhisme, que le christianisme, que le judaïsme, que l’islam : il y a une relation subtile à tout le corps de l’humanité qui dépasse l’incarnation charnelle et sa limite des sens.

Ce lien, cette intimité ne sont pas connus de notre science expérimentale. Il est donc naturel que je découvre aussi la valeur de l’agnosticisme : je ne trouve nul dieu à barbe blanche, nul credo de papier, nul dogme en lettres de feu, en ces instants.

Il est bon aussi de regarder la vie sans religion, si cela nous ouvre à la réalité, à la bonté. Enfin les athées qui croient au corps, à la puissance de l’intelligence, à la force de notre volonté, de nos apprentissages, ont aussi leur bonne raison de croire en ce temps, ce corps, et ces opportunités qui vont de la naissance à la mort.

Il me faut reconnaître que ma conscience est liée à la vie, à ce corps physique. Si je quitte cette enveloppe, si patiemment éduquée, nourrie, lavée et reposée chaque jour, ma personnalité disparaît, je ne suis qu’un souvenir pour quelques amis.

Comment pourrais-je mobiliser l’intelligence, le sentiment, sans cerveau et sans cœur ?

Comment pourrais-je éprouver le désir et la prudence, sans membres et sans mains ?

Comment pourrais-je m’émouvoir d’une fleur de pâquerette, sans yeux, sans nez et sans lèvres pour y poser un baiser ?

Les athées ont donc raison : il faut vivre. Il faut réussir. Il faut tailler une petite encoche dans l’univers, juste quelques décennies pour laisser une trace de lumière, pour avoir conquis le droit de se reposer...

Tels des papillons diaphanes, nous n’avons qu’un seul printemps pour être.

Tels des éphémères, nous ne possédons que le jour et la nuit pour vibrer et voler, pour toucher la chaleur et la fraîcheur, pour humer les senteurs de la nature et pour traverser l’univers.

Ainsi se réconcilient le bouddhisme, le christianisme, le judaïsme, l’islam, l’agnosticisme et l’athéisme en ce moment au seuil de la vie et de la mort.

Face à ce « soi » qui s’élève, et me montre que je suis imprégné de lui, sans que je le détecte d’habitude au quotidien, je vois bien que le corps a besoin d’autre chose que de nourriture et de thé.

Il porte une autre réalité, peut-être un autre monde, d’autres évolutions. Me voici peut-être quant à moi dans la relation à quelque mystérieux, bénévole et anonyme « seuil. »

Ne faut-il pas une présence attentive et sophistiquée pour me permettre ce long rendez-vous avec ce flot d’or impalpable ? Cette beauté se révèle, nue, en un halo de luminosité majestueuse.

La science a cependant raison, je le sens, de ne pas exposer ces mystères du « soi » : ils seraient dévoyés. On en ferait des expériences à médiatiser, une banale technique du marchandisage...

Alors je remercie discrètement les scientifiques de ne pas encore savoir que le corps est la partie dense d’un monde subtil, sage, complexe, multiple et uni tout à la fois, infiniment plus évolué que notre esprit humain...

Ils protègent chacun, dans sa fragile évidence, de cette manière, dans ce silence qui est gardé sur l’essentiel... Mais, en ces minutes initiatiques, la question se pose : dois-je rendre mes armes et partir ? Dois-je laisser la vie ? Est-ce le moment ?

La présence d’une personne rencontrée dix années auparavant, et plus jamais depuis, Monique D., apparaît en ces instants.

Cette personne, je ne la connais pas beaucoup. Mais je l’avais considérée alors comme très correcte et d’une haute moralité. Elle a consacré du temps à enseigner et éduquer au sein d’un mouvement social. Je suis surpris de constater sa présence « intérieure » en cet instant, et de sentir que peut-être, elle protège ma vie...

Deux possibilités sont, en effet, disponibles. La première est celle qui est issue de mon apprentissage de moine novice au contact du monastère bouddhiste.

Elle prône le détachement, le don de soi altruiste et le renoncement au monde. Il faut s’élever vers les « champs purs des bouddhas ». Il faut donc aspirer à s’unifier à des divinités tutélaires de ces mondes », et même « se sacrifier pour leurs Protecteurs du bouddhisme ». Imprégné de ce sage « lâcher prise de l’ego », je me confie à ces instants.

Je suis cependant exposé à une autre possibilité, plus utile. Il ne me faut pas partir ! La vie est précieuse. Il me faut continuer, incarner des mots, des rêves, des idées, et jouer un peu sur un clavecin baroque, quelques-unes de ces sublimes musiques entendues en songes... Je dois donc assumer ma condition humaine. Je me dois de vivre.


Les deux perspectives apparaissent étonnantes, simultanées. D’un côté, je peux me fondre en ce halo limpide, qui stationne au-dessus de mon corps, clair, brillant. Je pressens, avec certitude, que je continuerais, dissous en lui, l’aventure de la conscience dans la vastitude de l’univers. La mort du corps ne serait pas tout à fait un point final.

La vie continue dans l’esprit, comme une énergie parcellaire d’une essence plus évoluée qui existe, agit et se fond, fluide, dans le cosmos. Mais le moi, mon sentiment d’exister, d’être, ce qui dit « je suis », serait probablement transformé dans cette expérience « désincarnée ».

Et la jubilation de cette continuité spirituelle serait-elle alors étendue à tout l’univers ? Alors, existerais-je quand même ?

Serais-je en mesure d’éprouver la suite de la vie ? Sans limites physiques, dépourvu de la pesanteur, des petites préoccupations humaines, aurais-je l’identité de Marc Bosche, permettant de garder la continuité au-delà de la mort ?

Je vois aussi que cette vie humaine, ici et maintenant, est encore plus précieuse...

Cette perception se fait, en effet, dans deux plans différents. C’est le corps qui me donne le support indispensable à cette conscience. Il me semble que « Marc » disparaîtrait de manière irréversible, au moment où son corps arrêterait de produire ses images du monde.

Le principe subtil s’extrairait-il entièrement, le corps sombrerait aussitôt dans l’inconscience et c’en serait fini d’un humain. Je découvre ainsi la réalité de la finitude, la mort, que connaissent bien les Terriens.

Et cela donne raison à Sartre qui affirmait à travers un de ses personnages littéraires : « Le ciel est vide, Dieu n’existe pas. » Je partage donc cette évidence, sans trouver cela très agréable. La mort est réelle. Le corps nous donne notre identité.

La fin de nos six sens nous obligerait à disparaître. La possibilité de revenir se fondre dans un plan invisible est un réconfort, certes. Il faut reconnaître aux religions ce mérite.

Mais, il me semble que s’identifier à la parcelle, ou à l’essence primitive, s’unir à ce flot de lumière vive, serait une manière de se dissoudre et peut-être aussi de... mourir à soi-même. Qui sait ? Cette conscience lumineuse dure-t-elle, continue-t-elle longtemps ? Rien n’est moins sûr. La vie est de loin préférable à la mort.

Alors, sans que je le décide, il m’apparaît que cette eau de vie dorée, qui vogue au-dessus de mon corps, à un mètre, ou un mètre cinquante, environ, me « dit » de ne pas faire maintenant son voyage dans les plans subtils.

Il serait possible, bien entendu, de me fondre en sa luminosité. Je pourrais laisser ma conscience s’envoler et se mêler à ce « champ » immatériel. Je pourrai revenir à son expérience, et renoncer à celle d’humain, qui m’a été généreusement « prêtée » pour cette vie...

La vie, qui rayonne ici, me montre autre chose : le sacrifice que j’ai accepté dans mon style de vie contemplative est conforme à une religion. Mais ce don de soi total m’est restitué maintenant.

Il m’est rendu, afin que je continue ma course sur la Terre. Il me faut donc revenir, raconter ce que j’ai vu, connu, compris, en ces instants privilégiés, et être un citoyen de la Terre, comme tout le monde. Il se peut même qu’en ces instants, il me soit aimablement souligné le besoin de bien vivre, pour chacun de mes congénères, y compris pour moi-même.

Il me faut donc renoncer à l’image sacrificielle, religieuse, où le meilleur allait vers un idéal dévotionnel, une imagerie, avec ses bouddhas dorés. Il me faut accepter ce que le nuage d’or vivant me fait. Il me ramène sans ambiguïté à mon corps, et se dissout.

Il m’enracine à nouveau, et puis disparaît comme par enchantement. Où est-il ? Je n’en ai pas la moindre idée, aujourd’hui ? À l’intérieur de moi ? Un peu, mais pas nécessairement. À l’extérieur de ce corps ? Sans doute, chez tous les autres, mais peut-être aussi dans les étoiles, le soleil et la voie lactée !

Je retourne donc sans déplaisir vers une vie, une humble vocation à assumer, et vers le destin de tout être humain. Et je mets bientôt les objets de la foi, mes bibelots rituels du bouddha, dans un endroit paisible de la maison. Je les y range avec gratitude, sans plus m’en soucier que d’une guigne, y compris mon fameux moulin à prières électrique !

En revanche, je sors ma clarinette d’ébène de son étui, ma flûte alto baroque en palissandre de sa boîte de satin.

J’installe dans mon salon de musique blanc, au vaste parquet de chêne massif, mon clavier Yamaha et choisit une tessiture baroque pour l’accorder.

Je déploie mes belles partitions des quattro stagioni commentées par Vivaldi, et celles de Jean-Philippe Rameau. Musique ! Contrepoint et harmonie !





Les effets à moyen terme et dans ma constitution de ces deux expériences de mort imminente


QUATRE ANNÉES APRÈS.

Les deux expériences de mort imminente que j’avais vécues, sur une civière à l’hôpital (avril), puis à la maison (juillet), trouvèrent plus tard d’autres échos plus profonds dans ma vie.

Sur le moyen terme (quatre années passèrent), il s’avéra qu’elle était l’annonciatrice de certaines transformations dans mon corps et mon psychisme, plutôt favorables en général.

J’acquis progressivement, à ma grande surprise, une meilleure concentration, une attention soutenue, une vigilance détendue et durable.

Ma capacité à travailler, à écrire, à penser s’affinèrent. La mémorisation devenait détaillée, et surtout rapide.

Parfois il me suffisait maintenant de parcourir un texte rapidement, pour en avoir non seulement les grandes lignes mais aussi de nombreux détails...

Je pus ainsi mieux préparer les cours et les conférences que je donnais ici ou là. Je pus clarifier mes idées, et apprendre à les exprimer, non sans la remise en questions de mes propres présupposés.

J’apprenais désormais plus vite, en dépit de l’âge qui venait ! Ma sensibilité s’était aussi humanisée, c’est-à-dire qu’elle se faisait compréhensive...

Je réalisais mieux la valeur de la vie et de toutes les expériences que permettait normalement le corps, et auxquelles je n’avais auparavant pas prêté assez d’attention.

Je réalisais un peu l’importance essentielle de l’amour chez les autres, la profondeur des sentiments familiaux, et la valeur des vrais amis, rares et donc si remarquables.

Entrevoyant désormais la complexité illimitée et les mystères insondables de la nature, je renonçais à vouloir la transformer, ou même à régenter les autres. Je laissai chacun vivre sans interférer.

Mon corps était moins affecté par la rencontre, même s’il avait perdu trop de sa force et de sa vitalité. Mon ambition, les projets professionnels avaient de même été quelque peu élagués aussi. Je vivais davantage au présent, songeant parfois à la nature fragile de cette vie, qui pouvait s’arrêter d’un moment à l’autre...

Mais ce que je regrettai, en revanche, ce fut la perte de cet idéalisme, de cet engagement pour incarner un monde meilleur ! À cela je renonçai...

J’avais donc mûri.

Mais ce puissant moteur de ma jeunesse et de mes voyages, ce qui avait aussi motivé mes études de psychologie, de sociologie interculturelle et d’anthropologie organisationnelle, puis mes propres tentatives d’enseigner l’interculturalité, allait me manquer, un peu, en filigrane.

En perdant mes illusions, ma conviction qu’il fallait humaniser le monde, c’est aussi une image essentielle de ma propre inscription dans la réalité que je dus transformer.

Et c’est bien l’expérience même, intérieure et sans ambiguïté, de cette réalité individuelle et unique, qui m’amena à renoncer à donner aux autres le goût d’une quête spirituelle qui serait étrangère à leur propre nature.

Je découvris enfin un peu mieux par moi-même ce que les mots ne peuvent pas davantage dire...

Chacun était apte à une découverte potentielle.

Chacun avait cette faculté d’expérimenter, d’aller plus loin. Et je ne pouvais pas anticiper ni faire pour les autres, ce que la nature humaine profonde de chacun avait en réserve et en projet.

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Note : Ce texte a été préalablement publié par la revue en langue française de lInternational Association for Near Death Experience Studies (I.A.N.D.S.). A ce jour il est toujours disponible sur le site de IANDS France :

http://perso.orange.fr/iands-france.org/ACCOUNTS/acc_nde00.html